La fête de l'eau

Publié le par Jean-François & Céline

Voici plusieurs jours que nous n’avons pas écrit, donc nous avons plein de choses à raconter pour cette dernière ligne droite.

 

Alors reprenons. Lundi matin nous avons quitté Sihanoukville vers 8h. Mis à part un vol-plané de policier sous nos yeux (il voulait arrêter une moto, sans doute pour payer une « taxe », et celui-ci lui a foncé dessus sans s’arrêter !), notre bus a roulé paisiblement au milieu d’hectares de rizières plantés ça et là de cocotiers. Nous pouvons même dire que nous avons emprunté une « autoroute », ou en tout cas une route à péages. 

 

Bon on ne va pas s’attarder sur les dépassements franchement très limites du chauffeur d’autobus, même si on doit avouer que ce qui fait rire en touktouk fait réellement très peur lorsque l’on est dans un autocar, sur la voie de gauche, vous savez juste avant le virage derrière lequel on n’a aucune visibilité et … oh mon dieu ! trois voitures derrière, mais il n’aura jamais le temps de se rabattre ce c.. !!!! (gagné, à chaque fois les voitures ont fait d’énormes appels de phare et on mangé la poussière du bord).

 

Nous sommes donc arrivés entiers à Phnom Penh, once again I’m back. Enfin pas tout à fait à Phnom Penh : depuis la veille c’est la fête de l’eau dans la capitale et durant 3 jours la ville double son nombre d’habitants ; nos amis policiers sont donc de sortie car il y a de l’argent à se faire. Première mesure, ils installent des barrages partout pour que chacun puisse percevoir des « taxes », et comme il y a beaucoup de policiers ça commence loin : à 15km du centre. Imaginez (pour ceux qui connaissent) que vous devez aller place de la Bourse à Bordeaux et qu’on vous laisse à Ste Eulalie avec vos bagages ! Rajoutez à cela 35°C et 80% d’humidité, vous imaginez le tableau… Mais à toute chose malheur est bon, et nos amis les touktouk sont là aussi, car la taxe ce n’est pas que pour les policiers : les 225km nous ont coûté 16$, et les 15 derniers km la bagatelle de … 15$ supplémentaires !

 

Voici concrètement comment tout cela fonctionne : pour passer le touktouk paie le policier qui tourne délicatement la tête vers un motard qui n’a pas son casque qui s’acquitte lui aussi de la taxe auprès d’un second policier : un vrai ballet de billets glissés en douce. A raison d’un carrefour tout les 300m combien de temps le touktouk va-t-il mettre pour rejoindre le quai Sisowath ??? Heureusement, le notre s’appelle « Rambo »…

 

Nous arrivons enfin à l’hôtel pour une nuit sur les quais. La chambre est sans fenêtre : pour la vue on repassera, en revanche pour le bruit, bien qu’au troisième étage, on y est dans le water festival ! Nous retrouvons Christine, notre amie anglaise (voir les premiers articles sur Phnom Penh), qui nous invite à nous joindre à elle et ses enfants cambodgiens sur son balcon au quatrième étage, pile en face de la rivière. De là-haut la vue est splendide : 400 pirogues (dont certaines ont plus de 70 rameurs) s’affrontent dans des courses 2 à 2. Chacune de ces embarcations représente un village, un établissement ou une personnalité avec à chaque fois des couleurs bien distinctes. Un vrai ballet aquatique !

 

A la tombée de la nuit les pirogues laissent la place à une dizaine d’énormes bateaux, surmontés de décors lumineux représentant les institutions et les valeurs du Cambodge, qui défilent le long du fleuve. Puis enfin la soirée se clôture par un magnifique feu d’artifice qui donne le signal de départ à une nuit de liesse. Notons que durant ces quelques jours, et malgré la foule immense qui circule le long des quais, la ville est nettoyée toutes les nuits, d’énormes bennes à ordures faisant place nette pour le lendemain.

 

Donc bon gré mal gré nous dormons un petit peu grâce à nos amies les boules quies. Le lendemain, mardi, nous devons reprendre nos valises pour migrer vers notre dernier hôtel mais avant cela nous avons promis à Christine de petit-déjeuner avec elle. Moi (JF) je me réveille d’une nuit bruyante et hachée, je ne vous fait pas un dessin de mon humeur mais bon, on y va. Grand bien m’en a pris : arrivés le balcon elle nous présente un de ses amis khmer, parfaitement francophone, à qui j’explique que je suis né ici mais je ne sais plus où. Et oh miracle ! le monsieur se rappelle de la clinique du docteur Bessière. Ni une ni deux il me prend par le bras et m’amène sur sa moto à 2 pâtés de maison : 482 mois après je suis devant la clinique où j’ai vu le jour, aujourd’hui transformée en appartements. Etrange sensation que de lire « clinique du docteur BESSIERE » sur le fronton de l’immeuble, vraiment émouvante. Le plus drôle c’est que j’ai bien dû passer une bonne dizaine de fois devant sans jamais lever les yeux, parce qu’ici il vaut mieux éviter de regarder en l’air quand on se promène, car les touktouk et les mobylettes ne regardent pas toujours devant….

 

Bon c’est pas tout mais on a des bagages à transbahuter. Etrange journée, au beau milieu de la foule apparaît notre touktouk des premiers jours, Sok (la probabilité pour que l’on retombe sur lui était vraiment infime). Il nous amène poser nos bagages et nous retournons en ville pour suivre les courses de la dernière journée installés sur « notre » logia au-dessus du Mékong, chez Christine. Chose vraiment incroyable pour nous, les rameurs des pirogues ne savent pour la plupart pas nager, et sur 3 jours d’épreuves on dénombre plusieurs noyés suite à des renversements. Atterrant et tellement révélateur de ce peuple…

 

Enfin nous assistons aux dernières courses puis au final. Des centaines de bateaux paradent en groupe comme des pétales de fleur au beau milieu du fleuve. Ils reprennent ensemble une sorte de akha, martelant l’eau de leurs rames. Ils ont tellement fait de bruit qu’un typhon centré sur les Philippines nous envoie son dernier souffle, et nous passons plus de 3h sous un déluge de pluie venteux, très très venteux ! En haut, sur notre balcon, nous pouvons nous mettre à l’abri, mais en bas c’est un peu la panique. Malgré tout nous assistons comme la veille au ballet des barques illuminées et au feu d’artifice final.

 

Fatigués et trempés nous rentrons à notre dernier hôtel après avoir fait nos adieux à notre charmante amie anglaise.

 

Durant notre séjour nous avons testé différentes façons d’être logés et accueillis dans ce pays, et nous constatons que ce ne sont pas les plus beaux hôtels qui accueillent le mieux. Le « Boddhi tree del gusto », the last, est une superbe villa qui nous a absolument séduit le matin quand nous y avons posé nos bagages. Mais dès les premières minutes ce soir nous constatons avec surprise que pour la première fois dans ce pays l’accueil est froid, voire même glacial. Non pas de la part du personnel khmer, charmant, mais de la clientèle : des expatriés aisés venus pour la plupart des ONG voisines (on est en plein dans le quartier), impolis, froids, désagréables. Le lendemain la sensation s’accentue : ici tout est « charity business » avec tout ce que cela peut représenter de négatif.

 

Le Cambodge est le pays qui accueille aujourd’hui le plus d’ONG au monde. Entre les doux rêveurs qui usent leur vie et leurs moyens dans l’humanitaire, les porteurs de projets réels et les businessmen qui n’y voient qu’un moyen comme un autre de faire beaucoup d’argent, on se demande si ces « élans de solidarité » sont vraiment bénéfiques. Surtout qu’un petit tour dans le quartier nous montre que les ONG de type « handicap international » (pour ne citer qu’eux, il y en a des dizaines !) vivent en vase clos dans de somptueuses villas devant lesquelles sont garées de grosses berlines, alors que partout dans Phnom Penh des gens vivent sur les trottoirs, n’ayant pas même un toit pour abriter leurs enfants. Je crois que le summum est atteint lorsqu’on lit sur le menu de notre hôtel : « le Boddhi Tree est affilié au réseau SLOW FOOD, et c’est sans doute le seul au Cambodge »… Incroyable !!! Voilà bien une référence occidentale qui est presque une insulte dans un pays où tout le monde ne mange pas à sa faim, loin s’en faut, et où l’on croise sans cesse des familles qui mendient et vendent n’importe quoi pour arriver à nourrir tout le monde ... Bien que le cadre soit absolument délicieux, cet hôtel transpire plus le business que la charity.

 

Profitant de nos derniers jours, nous sommes allés visiter cette partie de la ville que nous ne connaissions pas avec entre autre le Marché Russe. Le marché tient son nom de la période où les soviétiques étaient très influents ici (hé oui, eux aussi sont venus !). Cet endroit est fréquenté par les occidentaux et on y parle un peu plus français qu’ailleurs dans la ville. Quelle tristesse de constater que notre langue ne soit plus qu’un lointain souvenir… Aujourd’hui c’est la culture anglo-saxonne qui est partout, et de cela nous ne pouvons nous en prendre qu’à nous-mêmes.

 

Après le déjeuner nous nous rendons au S21, à Tuol Sleng, le centre de détention et de tortures qui fut aménagé par le régime de Pol Pot dans l’ancien lycée Descartes entre 1975 et 1979. Je vous fais grâce des photos et des détails, mais durant ce que l’on a appelé « la nuit cambodgienne » plus de 17 000 personnes furent séquestrées, interrogées, torturées, poussées à signer de faux aveux pour dénoncer père, mère, enfants, avant d’être exécutées. Seuls 7 d’entre eux ont survécus, dont un photographe et un peintre mandatés par les khmers rouges et Duch pour immortaliser ce régime de terreur.

 

Pour mémoire, le 7 janvier 1979 les « bodoïs » (vietnamiens) libérèrent Phnom Penh et y trouvèrent 14 corps dans les salles de torture. Ces dernières victimes sont enterrées au milieu du jardin de ce qui est devenu un musée du souvenir du génocide. Bon ben ça m’a bien plombé mon après-midi ça ! Petite note réaliste au milieu d’un voyage extraordinaire…

 

Allez, c’est tout pour notre avant-dernière nuit au « Kindom of wonder ».

Publié dans Phnom Phen the end

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M
Quel voyage mouvementé. Le Cambodge est un pays très pauvre, donc on peut effectivement s’attendre à un niveau élevé de corruption. Mais je suis sûre que vous n’hésiterez pas une seule seconde si<br /> ce voyage était à refaire. Le Cambodge vous a laissé de bonnes impressions malgré la misère qui y règne. L’hospitalité légendaire des Cambodgiens est encore leur plus bel atout.
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H
<br /> Me promenant pas hasard sur votre blog et habitant au Cambodge, je voulais juste réagir sur votre paragraphe à propose de Tuol Sleng. Effectivement, c'est une ancienne école qui a été investie<br /> comme centre de torture mais aucunement l'ancien lycée Descartes, créé en 92 par des parents d'élèves sous l'UNTAC.<br /> <br /> http://www.descartes-cambodge.com/spip.php?article60<br /> <br /> Voilà :)<br /> <br /> <br />
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